Il y avait ce monde, comme d’habitude. Il y avait cette odeur, habituelle. Cet air gras traversant l’air, cet air sale et répugnant. C’était l’écœurante routine. Cycle infini, répétitif. Recommencer encore et encore, sans jamais ne s’arrêter. L’ennui était présent sous toute ses formes, ça n’avait rien d’excitant de préparer des kébab du matin jusqu’au soir, trempant ses doigts dans la répugnante graisse que représentait la viande. Ça n’avait rien à envier. Tellement que presque personne ne disait au revoir lorsqu’ils quittaient les lieux, juste un pesant silence des plus irritants. L’impolitesse lui donnait tout autant envie de vomir. De gerber jusqu’à la bile, jusqu’à cracher du sang, de ressentir la douleur.
Ça devait être bien, de ressentir quelque chose.
Et c’était chiant tout ça. C’était plus que chiant, il continuait juste pour payer ses factures, s’acheter à manger, pouvoir vivre. Même si il restait dans l’hypocrisie alors que ses collègues étaient détestables, son patron tout autant, avec leur sourire niais.
Il les envier, lui aussi voulait être heureux. Mais ce n’était pas possible, et il avait lui-même causé sa décadence la plus totale. Le bonheur était devenu un concept qui lui échappait, mais il continuait d’afficher ce faux-sourire pour que personne ne le remarque. Comme d’habitude. Peut-être qu’à force de vivre de jalousie, il finira pendu parce qu’il n’aura pas supporter de rester à bosser ici ou de vivre dans ce bas monde. Il sera un roi pendu, la corde était déjà autour de son cou, il attendu juste d’atteindre son but avant d’en finir.
Il recouper sa viande, geste telle une machine. Rien d’étonnant vu combien de fois il avait répété ça. Et ça faisait mal de se couper. De voir son sang couler, se mixer au gras. Ça piquait, et tout ce qu’il fit, c’était le mettre dans sa bouche, comme si de rien n’était. Mais ça continuait de piquer, de plus en plus fort. Il s’était bien fait mal, il s’était bien arraché la peau, la lame étant passé à travers ses muscles.
C’était dégueulasse, et fascinant.
Se rincer les mains.
Se mettre un peu de désinfectant et un pansement.
S’enfermer dans les toilettes et pleurer.
Et il attend, de manière pitoyable. Il ne sait même pas ce qu’il attend. Peut-être Mort qui viendrait le chercher, pour rejoindre sa bien-aimée. Peut-être Dieu pour qu’il rit de lui, voyons la fable pittoresque qu’était son histoire.
•••
10 minutes plus tard, il sort, pour prendre l’air. Il a juste dit qu’il n’allait pas bien, qu’il fallait qu’il franchise le monde extérieur un peu. Il rattrapera son temps manqué dans la soirée, ce n’était pas grave.
Et tout ce qu’il y avait dans cette rue, dans ses escaliers, c’était un pauvre type qui avait le même regard que lui. Avançant pour prendre place à côté de lui, le fixant d’une étrange manière.
Il est flippant, parfois, Isaac.
«
Oï. Ça ne va pas ? »
Il ne savait même pas si il se posait la question à lui-même ou non, mais elle était posée et en attente d’une simple réponse. Question rhétorique, stupide, à ne pas poser, ça ne faisait qu’enfoncer les couteaux dans la plaie.